Florac, cœur vivant du Parc national des Cévennes

23/09/2025

Un village paisible, un destin extraordinaire

Au pied du mont Lozère, là où le Tarn prend ses aises avant de s’élancer dans les gorges, Florac n’est pas qu’un joli bourg caressé par la lumière cévenole. Il est, depuis plus de cinquante ans, le centre nerveux, discret mais déterminant, du Parc national des Cévennes. Son histoire est intimement liée à celle de la protection de la nature dans cette région. Pour comprendre le rôle de Florac dans l’histoire du Parc, il faut remonter le temps, observer les dynamiques sociales, culturelles et politiques qui ont façonné ce territoire, puis entrer dans le quotidien d’un parc vivant, où l’humain a toujours eu sa place.

Naissance du parc et choix de Florac : un choix loin d’être anodin

Le Parc national des Cévennes a officiellement vu le jour en 1970, devenant alors le deuxième parc national français situé en métropole après la Vanoise. À l’époque, la création d’un parc dans cette région n’avait rien d’évident. Entre l’attachement des habitants à leur terre, la tradition agropastorale, la diversité des paysages, s’ajoutait un autre défi : il fallait choisir un « chef-lieu » pour incarner et administrer ce nouveau territoire protégé. Ce fut Florac.

  • Une position géographique stratégique : Florac se situe à la confluence de trois entités naturelles majeures : les Cévennes, les Causses et le mont Lozère. Ce carrefour naturel la prédestinait à jouer un rôle de trait d’union entre des vallées à l’identité forte.
  • Une tradition d’accueil et d’échanges : Depuis le Moyen-Âge, Florac était un point de passage pour les commerces, les voyageurs, les protestants exilés. Son histoire tissée de rencontres allait servir de socle solide à l’accueil du futur parc national.
  • Un bourg à taille humaine : En 1970, Florac comptait moins de 2000 habitants. Assez grand pour accueillir une administration, assez petit pour rester ancré dans un mode de vie local non dénaturé.

S’installer à Florac, c’était aussi s’éloigner de la centralisation nîmoise ou des grandes sous-préfectures, et affirmer que le parc devait être géré « au plus près » des réalités du terrain (Parc national des Cévennes).

Florac, siège et cœur décisionnel du Parc

Aujourd’hui, Florac reste bien plus qu’un simple point sur la carte. C’est ici que se décide la politique du parc et que se travaillent les grands axes d’avenir :

  • Maison du Parc : Le siège administratif, installé depuis 1972 au château de Florac, abrite la direction et la majorité du personnel. Plus de 100 salariés du parc sont aujourd’hui basés à Florac.
  • Des missions au quotidien :
    • Gestion des réserves naturelles et des zones protégées
    • Animation pédagogique (accueil, expositions, interventions scolaires)
    • Dialogue avec les collectivités, les agriculteurs, les artisans locaux
    • Suivi scientifique de la faune, la flore, des paysages et de la ressource en eau
  • Lieu de concertation : Florac accueille régulièrement les conseils d’administration du parc, où siègent des élus des différents départements, des représentants de l’État, mais aussi du monde agricole et associatif.

La présence du parc a généré autour du château une dynamique nouvelle, faisant de Florac un laboratoire de démocratie et de concertation territoriale unique.

Florac, moteur de l’innovation écologique et sociale

Bien avant l’engouement national pour les transitions, Florac et le Parc national expérimentaient de nouvelles voies :

  • Sur le plan agricole : Appui technique à la relance de l’élevage ovin (brebis et chèvres) et contribution majeure au maintien du pastoralisme sur le mont Lozère et les causses. Ce partenariat encore vivant fait aujourd’hui des Cévennes un bastion du label Parc national pour des produits comme le Pélardon AOP (AOP Pélardon).
  • Protection des espèces : Le retour du vautour fauve et du castor, la protection du circaète Jean-le-Blanc ou de la loutre, sont autant d’histoires qui se sont écrites et suivies administrativement à Florac. Le bureau scientifique du parc compile chaque année plusieurs milliers de données issues du terrain.
  • Démocratie locale : Dès 1997, le Parc national des Cévennes, sous l’impulsion de l’équipe floracoise, a été le premier en France à expérimenter une charte « vivante ». Elle associe habitants, élus et agents du parc à la gestion des terres communes. Une approche aujourd’hui généralisée à l’ensemble des parcs nationaux de France.
  • Tourisme de nature raisonné : Maison du tourisme, centre de documentation, lancement des premiers sentiers d’interprétation (notamment la Boucle du Menhir ou la montée sur le Causse Méjean), tout est parti de Florac.

L’impact local et économique : Florac, poumon d’un territoire rural

Impossible de dissocier l’existence du Parc national et la transformation de Florac. Au fil des décennies, le parc a favorisé l’émergence localement :

  1. De nouveaux emplois : Entre 110 et 130 agents – gardes-moniteurs, techniciens, médiateurs – exercent leur mission depuis Florac. À cela s’ajoutent des recrutements saisonniers et des prestations sous-traitées à l’échelle du territoire (INSEE).
  2. Une dynamique touristique : La fréquentation de la Maison du Parc oscille autour de 30 000 visiteurs par an (chiffres 2022 – Cévennes Tourisme). Bien plus qu’un site d'information, elle agit comme carrefour touristique, incitant à la découverte plus lente du territoire.
  3. Un levier pour les producteurs et artisans : Sous l’impulsion du parc, des filières locales ont vu le jour – laine cévenole, miel, plantes aromatiques du mont Lozère, etc. – bénéficiant du label « Esprit Parc National » créé en 2015.
  4. Vie associative et culturelle : Le parc soutient la programmation de festivals, conférences et expositions, renforçant l’attractivité du bourg. Chaque année, les « Rendez-vous du Parc » attirent plusieurs centaines de participants autour de thématiques variées (faune, hydrologie, culture occitane).

Florac, gardienne d’une mémoire et d’un modèle original

Le siège du parc à Florac, c’est aussi une mémoire :

  • Conservation des archives du territoire : Plans anciens, inventaires naturalistes, mémoire orale des Cévennes – tout est collecté, digitalisé, exposé occasionnellement dans le château ou lors d’évènements locaux.
  • Lieu de formation et d’échanges : Nombreux sont les jeunes professionnels de l’environnement ou de l’agriculture qui viennent « apprendre à Florac », en stage ou lors de workshops organisés en partenariat avec les universités régionales. Depuis 1982, une antenne du CNPR (Centre National de Promotion Rurale) s’est même installée à Florac, renforçant son attractivité éducative (Préfecture de la Lozère).
  • Évocation patrimoniale : Le château de Florac, réaménagé pour accueillir le siège du parc, expose régulièrement des expositions temporaires sur l’histoire locale, la vie pastorale, les luttes écologiques ou la biodiversité. Le lieu est référencé dans la base Mérimée comme modèle d’intégration du patrimoine bâti à la gestion environnementale (Base Mérimée - Ministère de la Culture).

Florac et l’avenir du Parc national : une ville tournée vers demain

Le rôle de Florac ne cesse d’évoluer. Depuis 2011, date à laquelle le parc a été reconnu Réserve de biosphère UNESCO (source : UNESCO), Florac s’est affirmée comme un moteur pour de nouvelles pratiques :

  • Lancement d’une politique « zéro pesticide » dans la gestion des espaces publics depuis 2013
  • Accueil d’expérimentations sur l’agroforesterie, la préservation de la ressource en eau, ou la lutte contre les incendies
  • Développement de l’accueil social, via le parc, de « chantiers d’insertion environnementale » pour les jeunes éloignés de l’emploi
  • Ouverture, prévue à l’horizon 2026-2027, d’un pôle d’écotourisme expérimental en lien direct avec le Parc

Florac, depuis ses rues d’apparence tranquille, continue d’inspirer et de rayonner bien au-delà de ses frontières. Elle prouve chaque jour qu’un petit centre-bourg rural peut devenir le cœur d’un dispositif alliant écologie, recherche, innovation et traditions vivantes.

Florac, point d’ancrage d’un Parc en mouvement

En l’espace de cinq décennies, Florac a forgé une relation unique avec le Parc national des Cévennes. Non seulement elle en accueille le siège, mais elle façonne le quotidien et l’avenir de tout un territoire, en dialogue constant avec ses habitants et ses paysages. Loin d’être une capitale déconnectée, elle ancre ses choix dans la réalité du terrain, tout en cultivant un esprit d’ouverture et d’expérimentation. Les enjeux qui attendent le Parc et Florac sont multiples : adaptation au changement climatique, développement d’un tourisme sobre, maintien de la vitalité rurale… Mais au fil du temps, Florac a su prouver que la rencontre entre traditions vivantes et innovation écologique n’est pas une utopie, mais bien un modèle à vivre et à partager.